[Conférence] Les femmes pyrénéennes, un statut social unique en Europe
18/10/2023 15:00

Conférence n° 7

Les femmes pyrénéennes, un statut social unique en Europe

par Mme Isaure Gratacos

Conférence organisée par Brigitte Coustet et Huguette Ferran-Lacôme

Mercredi 18 octobre, à la Bourse du Travail à Tarbes, à 15h.

Pyrénées, montagnes du paradoxe, archaïques et en avance ! Un statut des femmes exceptionnel en Europe.

Isaure Gratacos, professeur d'histoire pratique une "ethnologie du dedans" dans cette montagne pyrénéenne d'où elle est originaire. Elle écoute, enregistre et filme depuis trente-cinq ans réunissant ainsi une documentation orale et visuelle qui montre la perduration d'une culture originale, à la fois ancienne et exceptionnelle en Europe.
Jules César, le premier dans son Commentaire de la Guerre des Gaules, écrivait déjà, en parlant des Pyrénées : "Ils sont différents des autres peuples de la Gaule par la langue, les mœurs, les lois, le monde pyrénéen serait-il un monde à l'envers ?"
En effet, César ne connaît que celui de la sédentarisation organisée en sociétés pyramidales, dominé par un pouvoir unique, celui du monothéisme et celui du patriarcat.
Dans les vallées pyrénéennes tout était inversé. Le pouvoir était remontant et non descendant.
La topographie particulière a sans doute joué son rôle, les Pyrénées n’étant pas un massif mais une chaîne.
Le surgissement brutal a entraîné une forte dénivellation entre sources et niveaux de base créant un ensemble de vallées Nord-Sud, parallèles les unes aux autres, véritables casiers favorables à la vie de groupe, chacun étant un véritable microcosme autogéré.
La culture traditionnelle pyrénéenne a été conservée uniquement par la parole en l'absence d'un savoir fixé par l'écriture, laquelle n'existe pas dans la "Vasconia pyrénéenne". La langue de type pré-indo-européenne révèle l'ancienneté du peuplement. Ainsi, par exemple, le groupe sanguin O majoritaire dans l’Ouest de la chaîne est un gage d'ancienneté ainsi que les haplotypes définis depuis quelques années. De même, c'est " la maison" qui existait et non la famille de type patriarcal.
Le droit coutumier valléen, uniquement oral, a été tardivement écrit sous l'impulsion de Charles VII en 1454 mais la "coutume" n'a été écrite que fin 17ème et début 18ème pour les Pyrénées centrales. L'historien Soulet a montré la faiblesse du complexe féodal dans les vallées qui étaient souvent organisées en "auto-seigneureries".
La participation des femmes à la vie sociale avait déjà été vue par le grec Strabon.
Dans les vallées, les femmes participeront et voteront aux différents conseils et pourront être consuls jusqu'en 1793.
Le groupe de la maison était la base de la gestion pyrénéenne. Un(e) représentant(e) par maison se réunissait avec les autres sous l'arbre communal et au sein du Conseil valléen. Ce(tte) représentant(e) était l'aîné(e), qui était "Cap d'Oustal". La maison a un nom et une identité qui préexistent à ceux qui y vivent. Les assemblées géraient une aire communale étendue. La révolution française bourgeoise n'a pas compris cette gestion "communaliste" d'où les diverses guerres dites des demoiselles.
On constate une ressemblance avec la société Inuit décrite par Malory : même gestion et même société sans pouvoir central. La révolution française met fin à cette égalité de genre entre les hommes et les hommes et les femmes qui seront en "inexistantes" jusqu'en 1938 et qui n'obtiendront le droit de vote qu'en 1945. Pour maintenir la maison, base de la vie sociale, une seule solution : le droit d'aînesse absolu ou aînesse intégrale.
Les règles d'alliances entre maison étaient donc particulières et on pratiquait les mariages croisés : un aîné avec une cadette, un cadet avec une aînée.
Cet exposé a eu le mérite de nous révéler ce Statut Unique des Femmes pyrénéennes, élaboré au fil du temps et qui, vraisemblablement, influence encore les rapports humains dans nos vallées pyrénéennes.