[Conférence] Les bains et les sources d'Aspe, Ossau, Barétous et Soule
20/03/2023 15:00

Conférence n° 3

Les bains et les sources d'Aspe, Ossau, Barétous et Soule

par Pierre Castillou

Conférence organisée par Annie Laporte-Fauret et Odile Sieper

Lundi 20 mars, à la Médiathèque André Labarrère de Pau, à 15h.

Les nombreuses recherches qu’a accomplies Pierre CASTILLOU sur ce sujet nous ont passionnés.

L’évolution des sources et bains à travers les siècles.

L’EAU. Depuis la nuit des temps elle a été utilisée par l’homme pour se soigner au même titre que les plantes. Dès le début du IIème siècle, le grec Galien, considéré comme le père de la médecine, préconisait la toilette, l’hygiène, pour la santé. Disponible dans la nature, elle pallie le manque de médecins à travers les siècles jusqu’au moins au début du XIXème puisqu’un professeur à la faculté de médecine de Paris, Jean-Louis Alibert écrit encore dans un de ses textes, « l’eau qui se converti en une sève vivifiante pour nourrir le corps devient aussi un médicament pour le guérir de ses maux ».

D’abord utilisés pour l’hygiène du corps, les bains sont devenus un soin. Le proverbe béarnais, « Ester net, qu’ei la mieitat de la santat », soit « être propre, c’est la moitié de la santé » ne fait que reprendre les préconisations de Galien. Les Romains mettront en application ces mêmes préconisations dès leur arrivée en Gaule en créant des thermes dans toutes leurs cités.

Entre le Vème et le Xème siècle, l’église catholique voit dans l’augmentation de la fréquentation de ces bains un mouvement païen s’approchant de la sorcellerie (l’eau qui coule aussi naturellement ne peut-être que sorcellerie, c’est faire commerce avec le diable … ! ) car ils sont accompagnés de prières et d’incantations. A défaut de pouvoir les interdire, le clergé va donc christianiser la plupart des sources et leur attribuer un nom de saint bienfaiteur : Source Saint Christau, Fontaine Saint Jean, source à la Vierge …

Entre le Xème et le XVème, la lèpre sévit dans notre région. Les autorités isolent dans les campagnes les lépreux, dans des quartiers réservés aux « cagots » terme utilisé pour des personnes repoussées en marge de la société. Ces quartiers avaient leur source pour vivre. Certaines vont révéler leurs vertus comme à Lescun, Accous, Bedous et Saint Christau.

Au XIème, les traités de médecine de l’époque (balbutiants) vont redynamiser l’hydrothérapie. On voit ainsi la naissance des premiers établissements thermaux constitués de baraques en planches construites autour d’une source : Eaux Bonnes, Eaux Chaudes, Ogeu, Escot …. La cure consistait en bains, inhalations, pulvérisations, boissons

Au XVème, dans les grandes villes, ces bains de santé appelés « étuves » sont considérés par l’Eglise comme des lieux de débauche voire de prostitution : en effet les bains sont pris nus dans des cuviers collectifs mixtes, ce qui en plus était peu hygiénique et propageait les microbes ! Dorénavant on ne pourra tremper que mains, pieds et jambes, les parties intimes étant couvertes par un linge « propre » !

La médecine appuiera ces préconisations imposées par l’Eglise. C’est finalement l’Etat qui fermera les étuves quelques temps en raison de la propagation de la syphilis.

Au XVIème, c’est le siècle de la Renaissance, les thermes rouvrent. De nouveaux sont construits et ce jusqu’au XVIIIème siècle. Apparaissent des thermes fréquentés par une clientèle aisée, aristocratique et bourgeoise. Pour que les curistes ne s’ennuient pas, une fois les soins accomplis, on organise des distractions : Casino, Théâtre, salles de bal et même un hippodrome… !

A partir du XVIIIème, siècle des Lumières, les savants vont s’intéresser aux mystères des eaux. Théophile de Bordeu va recenser et étudier sans chimie tous les bains de notre région. Ces rapports sont sous forme de lettres. Celle de la vallée d’Aspe sera la vingtième.

L’analyse des eaux créera une dynamique pour les stations déjà existantes.

Le XIXème sera le siècle de la fièvre thermale. Ce sera l’abandon de toutes les cabanes de planches. De nombreux thermes vont effectuer des transformations : Bains de Secours, Licq, Barcus, Bains de Broca à Gan….

Au XXème, on notera une différence entre les Villes d’Eaux aux infrastructures modernes, confortables et les Bains de villages, souvent sommaires et peu hygiéniques !

Mais l’extension des sanatoriums et des bains de mer concurrencent les stations thermales, d’autant plus qu’en 1947, la Sécurité Sociale impose des normes pour l’obtention du remboursement des cures. Cela génèrera un thermalisme social mal vécu par la clientèle aisée qui va s’éloigner de ces cures.

Nouvelle évolution : on pense que ces eaux peuvent être mises en bouteilles pour les expédier : St Christau, Ogeu ….

ANNEXE

Quelques thermes connus de notre région

Les EAUX BONNES se sont développés au XIXème avec la venue d’ Eugénie de Montijo. En 1808, on accédait à ce village à cheval ou dos de mulet, par une mauvaise route qui rendait l’accès difficile. Les thermes étaient constitués de cabanes en bois et l’eau qui se buvait avait goût d’oeuf pourri !! Que d’attraits !

Le bourg se développe au XIXème pour accueillir la clientèle noble. De grands hôtels sont construits ainsi qu’un Casino, pour les bals et les jeux. Ce Casino a été rénové en 1959 mais le déclin de cette station a commencé dès le début du XXème

Pour récupérer des curistes, les Eaux Bonnes ont voulu répondre à la mode de la Thalassothérapie avec jacuzzi, sauna, une piscine suspendue surmontée d’une magnifique bulle mais l’établissement devra fermer par manque de sécurité. Un procès est toujours en cours.

Les EAUX CHAUDES : ces thermes, plus accessibles financièrement, s’adressaient à une clientèle populaire : confort très sommaire, manque d’hygiène, environnement lugubre.

Au XIXème quelques améliorations seront apportées : cabines de bain, piscine .

OLORON : des thermes existaient à l’époque romaine d’Iluro, de nos jours remplacés par des Bains Municipaux, uniquement hygiéniques et non médicaux.

La majorité des établissements de nos vallées ferment peu à peu : Chichi, Féas, Ibarria, Broca tomberont dans l’oubli !

Pierre Castillou finira sa conférence en évoquant d’autres stations de nos vallées qui existaient :

- Les Thermes de Labérouat à Lescun : cure de 15 jours pour soigner les rhumatismes et les maux de dos dans une eau sulfureuse (cabane en planches et cuvier en bois qui seront remplacés, à la fin du XIXème par un bâtiment en dur abritant 5 cabines individuelles dotées de baignoires). A l’étage, un dortoir, quelques chambres, sans porte ni vitre, une cuisine. Ces thermes serviront surtout de refuge de montagne.

- Les Bains de Poutrou à Borce : aujourd’hui disparus.

- L’établissement thermal de Bulasquet et les Sources de St Christau d’Aulet à Accous fermeront en 1940 : ces dernières avaient 3 sources sacralisées. On y trouvait : quatre baignoires en zinc, un réservoir, une chaudière, une vasque avec une fontaine pour boire cette eau ferrugineuse.

- Lurbe St Christau : fréquenté depuis l’Antiquité pour les maladies de peau. On y soigna ensuite les lépreux (les cagots) qui y étaient isolés. Les bains se prennent dans la Rotonde. Ils subiront des transformations au cours des siècles : construction de 2 beaux hôtels et de petits chalets pour héberger les curistes, d’un casino, seize baignoires en marbre !

Suite à des contaminations microbiennes à la source, les thermes seront obligés de fermer en 1999. Son eau fut commercialisée et mise en bouteille ensuite. L’établissement thermal fermera en 1999, après de nombreux changements de propriétaires

- Ogeu les Bains : source recommandée pour le foie, les reins, l’estomac. La cure était de 21 jours.

Corisande d’Andoins fréquenta ces thermes. Ils fermeront en 1943. On commercialisera l’eau : plate, pétillante et limonade.

- Bains de Broca à Gan : pour la goutte, la sciatique, les coliques néphrétiques

Ne reste que le monument de la fontaine, en contrebas de la route.

- Bains de Souvré ou du Salut à Rébénacq : disparus de nos jours

Source thermale au bord du Neez très rudimentaire au début : une baignoire dans une cabane et un tuyau en fer qui amenait l’eau ! Au XIXe on ajoute quatre cabines de bains, trois chambres et une cuisine pour accueillir les curistes.

- Les bains de Secours à Sévignacq Meyracq : l’établissement est rudimentaire au XVIIIème et fréquenté par une clientèle modeste. De nos jours il est devenu un Centre de Bien Etre et de remise en forme.

- Les Bains Ste Vigne à Féas devenus Gite Rural.

- Suberlaché et la Source Carrole à Bedous, eau ferrugineuse. On y accueillait aussi les lépreux.

- La source miraculeuse de Sarrance et les Fontaines d’Escot , établissement fermé en 2022.

- Les Bains de Chichet à Bedous : le nom viendrait du chuintement de la source ferrugineuse

On y soignait les rhumatismes, l’anémie. Refaits en 1932, ils sont abandonnés de nos jours : plus de toit ni de plancher …. !

D’autres bains vont disparaître aussi :

Les Bains de Cazenave à Montory

Les Bains Teinture à Licq Atherey

Les Bains d’Ibarria à Lacarry

Les bains d’Ahusquy à Aussurucq, fréquentés essentiellement par les bergers

Les Bains de Garaîbie à Ordiap, devenus gîte d’étape

Les Bains Lamina Ziloa à Camou-Cihigue

Les Bains Dalgalarrondo et Fontaine St Jean à Mauléon

Les Bains Notre Dame du Paradis à Barcus ……

Et bien d’autres encore …

Ceux qui sont intéressés par le sujet peuvent trouver tous les détails dans le livre de Pierre Castillou qui regorge de surcroît d’anecdotes.

CR par Annie LAPORTE-FAURET


Quelques photos ici.