[Conférence] Le langage des pierres
26/05/2023 15:00

Conférence n° 4

Le langage des pierres

par M. Jean Touyarou

Conférence organisée par Odile Sieper et Pierre Cerezal

Vendredi 26 mai, à la Médiathèque André Labarrère de Pau, à 15h.


Elles sont autour de nous, et pourtant nous ne les voyons plus. Elles nous aident souvent, nous protègent parfois, nous guident, .... et pourtant on a fini par les oublier.

Nos prédécesseurs nous ont laissé des traces de leur passage : qu’ils soient bâtisseurs de cathédrales, Compagnons, bergers dans nos montagnes, sculpteurs de linteaux de maisons, prisonniers dans leurs geôles, ... les témoignages sont nombreux, pas toujours visibles mais souvent émouvants.

Nous apprendrons le langage des pierres qui, sous nos yeux, nous racontent l’histoire de la Terre, des hommes qui l’ont colonisée dès le paléolithique, l’histoire des premiers rites ou premières sépultures avec les cromlechs et les dolmens. Nous découvrirons le langage des pierres qui ont abrité les premiers hommes, accueilli leurs dessins, servi d’outils, borné les territoires, guidé leurs troupeaux...

Compte-rendu :

« Bonjour ! Nous sommes les galets du bord du Gave. Tu marches sur nous en te promenant. Tu nous trouves beaux avec nos formes variées, nos jolies couleurs ocres, vertes, veinées, grises … mais connais-tu seulement notre histoire ?

Quant à moi je suis le Granite. Je suis issu du massif de Cauterets, du gave du Marcadau.

Je suis le Calcaire veiné.

Je viens du Gabizos, dit l’un. Moi, je suis l’Ophite, dit l’autre. Je suis de couleur verte et je viens de Lourdes.

Nous, nous sommes le Grès et le Schiste et nous venons de la région de Gavarnie

Notre présence retrace en amont l’histoire géologique des Pyrénées »

C’est ainsi que ce montagnard, ingénieur forestier, celui que j’ai pris la liberté d’appeler « le « conteur pyrénéen » a commencé à nous raconter l’histoire de la terre.

OBSERVER, COMPRENDRE et TRANSMETTRE sont ses maitres mots, sa ligne de vie.

A l’aide de nombreux clichés, Jean TOUYAROU va nous faire découvrir ce qu’au cours de nos ballades nous n’avons peut-être pas vu ou pas su prendre le temps de MIEUX VOIR, ce qui sort de l’ordinaire… témoignages de …

… L’HISTOIRE DE LA TERRE


Ce que l’on aurait pu considérer comme un fossile marin et que l’on a nommé « Fleur de pierre» n’est

en fait que le dessin du clapotis de la mer sur le sable, recouvert par des sédiments, datant du dévonien dont le nom est désormais : « Astropolithon hindii » ou Arenaygues (arena = sable en latin + aygue = eau en béarnais)

Les glaciers ont laissé des traces sur les pierres lors de leurs déplacements, transportant avec eux des pierres.


… L’HISTOIRE de L’HOMME

Avec leurs charrues les agriculteurs mettent à jour des pierres témoignages de la période paléolithique (haches, houes, pointes de flèches, pierres taillées) et néolithique (pierres polies). Lors de cette dernière période, les hommes qui pratiquaient la transhumance, profitaient des pierres qu’ils trouvaient sur leur passage pour affûter et polir leurs outils.

Les premières inscriptions de l’homme

Peu de personnes connaissent la grotte TASTET (Sainte Colome) et sa gravure magdalénienne (dernière culture archéologique du Paléolithique supérieur). C’est la seule grotte ornée recensée en Béarn à ce jour. Située sur un terrain privé, on ne peut pas la visiter car elle n’est pas encore entièrement fouillée.

Peinture rupestre :

Anthropomorphe,

(-2500 à - 3000 ans) découvert en 1993 par Gandon et Lassus à l’entrée de l’abri des Jaupins (Aydius)

Gravures rupestres (Estaing 65) extrêmement rares de la fin du Néolithique, découvertes par un berger. Les cercles concentriques représentent les rayons du soleil .


La pierre et les cultes

Parfois encore recouvert de terre (Tumulus)

Cercles de Pierre en vallée d’OSSAU. Ceux du Bénou sont très connus.

La pierre qui abrite

En Béarn l’abri sous roche, premier abri du berger est appelé QUÈBE, quand la structure est un peu « plus sophistiquée » (sorte de cabane en pierre) on la nomme TOUE.

La pierre qui guide

Une pierre toute seule comme un petit menhir, n’est pas placée n’importe où nous dit Jean Touyarou. Elle servait au pastoralisme pour indiquer une nécropole (vers un dolmen ou un cercle de pierre)

Le Cairn, bien connus des promeneurs, indique qu’on est sur le bon sentier.

Parfois, si l’on regarde bien (et surtout si l’on y arrive …) , en haut de certains sommets, on verra une croix gravée au sommet ; c’est le point où les géodésiens à la fin du XIXème siècle ont fixé l’altitude des sommets.

La pierre, marque des bâtisseurs

Les bâtisseurs de nos maisons allaient sur les bords du gave chercher les pierres qu’ils avaient à portée de mains. En regardant les murs des villages de la vallée d’Ossau, quand ils ne sont pas crépis, nous avons l’histoire des montagnes en amont.

Les architectes, les tailleurs de pierre, les sculpteurs, les maçons, les maîtres verriers comme les charpentiers et d’autres corps de métiers, ont toujours laissés une trace de leur passage, de leur travail.

Si vous regardez, à côté de la petite porte de la Cathédrale de Lescar, vous verrez les signes des tailleurs de pierre, tâcherons.

La pierre qui nous parle

TRANSMETTRE pour que cela ne disparaisse pas. Cette photo est à conserver, nous dit Jean Touyarou !

Condamnée à la ruine cette maison du XVIIème XVIIIème siècle (Louvie-Soubiron) représente « la vie de tous les jours » autrefois. En bas, la bergerie. Au premier étage, le logement, fenêtres, four à pain, l’évier (pierre qui dépasse) éclairé par une ouverture (3 tuiles en triangle), lucarne permettant d’avoir de la lumière dans la bergerie.

A l'entrée, une seule porte en 2 parties, la grande pour le bétail, la petite pour l’homme

Au hasard de vos promenades dans les villages vous aurez peut-être la possibilité de remarquer des pierres insolites plus ou moins grosses comme des bancs ou des montoirs, d’anciens sarcophages transformés en bac à fleur, des chasse-roues placés à l’intérieur des entrées qui permettaient de protéger les piliers des roues de charrettes, un coucou placé au sommet d’une toiture sur la dernière ardoise.

La pierre support de témoignage : On trouve de nombreux témoignages gravés dans la pierre comme ceux de prisonniers sur les murs de leur geôle, de bergers dans les estives, de personnes plus ou moins célèbres, des nombreux conflits historiques (impact de boulets, balles, obus … )

La pierre, séparation des hommes :

- placée sur un mur de maison, une pierre qui ressort signifie la séparation entre deux maisons.

- Les bornes limites de propriétés, de terrains, de domaines (anecdote de la Bornifle ), d’estives, d’évêchés.

- Bornes gravées matérialisant la frontière entre l’Espagne et la France

Jean Touyarou terminera cette conférence avec le témoignage d’un berger, Jean LIET, qui en 1888 lors de sa dernière montée, grava son émotion de ne plus revenir.

« Les pierres, elles parlent à condition de savoir les entendre » Jean TOUYAROU.

Compte-rendu par Odile SIEPER


Quelques photos ici.