[Conférence] Les mousquetaires du Roi
14/03/2023 15:00

Conférence n° 2

Les mousquetaires du Roi

par M. Joseph Miqueu

Conférence organisée par Odile Sieper et Florence Bernard

Mardi 14 mars, à la Médiathèque André Labarrère de Pau, à 15h.

Joseph MIQUEU n’est pas un historien mais un passionné d’histoire régionale. Ce béarnais a consacré de nombreux ouvrages aux personnages de l’oeuvre la plus célèbre d’Alexandre DUMAS père : LES TROIS MOUSQUETAIRES

Lors de cette conférence il s’attache à montrer, documents et archives à l’appui, qu’il ne s’agit pas uniquement d’une fiction romanesque mais bien que ces personnages ont réellement existé et que les plus connus du roman de Dumas sont béarnais et gascons.

Le corps des mousquetaires de la maison militaire du roi de France est créé en 1622 lorsque Louis XIII dote de mousquets, arme plus puissante que l'arquebuse, une compagnie de chevau-légers de la Garde, créée par Henri IV. Elle est connue sous le nom de Compagnie des Mousquetaires du Roi. A l’époque, la famille noble a une tradition de service au Roy. L’aîné a le devoir de servir le Roy en son conseil ou à la cour, le cadet a le devoir de le servir par les armes et le benjamin, par ses prières.

En ce 17ème siècle, en pays Béarn et en Gascogne, la vie des bourgeois et hobereaux n’a rien d’exaltant !

Le Béarn est rattaché à la France depuis 1620. Attirés par la cour du roi Louis XIII qui rayonne par sa puissance et son luxe, nombre d’entre eux s’engagent.

Quand les mousquetaires gascons et béarnais se retrouvent, isolés et loin de chez eux, ils sont unis par cette fraternité d’armes mais aussi de sang et de langue. Le gascon et le béarnais présentent de nombreuses similitudes linguistiques, ce qui les rend complices ; c’est ainsi que Dumas aurait crée cette formule

« Un pour tous et tous pour un »

« Jusque là la réalité historique et le roman se rejoignent » déclare Joseph MIQUEU

Après nous avoir dressé un portrait d’Alexandre DUMAS , le conférencier s’applique à mettre en parallèle le roman et la réalité historique. Dans la réalité ce sont surtout deux personnages qui ont marqué l’histoire et pour lesquels on trouve beaucoup de références et documents, d’Artagnan et Tréville.

D’ARTAGNAN : C’est un jeune cadet de Gascogne. Le romancier le fait venir depuis son Béarn natal alors qu’il est du Gers, de Gascogne.

En réalité, il est né à LUPIAC sous le nom de Charles de Batz de Castelmore, (entre 1611 et 1615). Pourquoi d’Artagnan et non pas de Batz ? Les De Batz n’avaient pas une renommée très reluisante. Les d’Artagnan eux, étaient connus à la cour. Il en existait plusieurs notamment Paul le frère aîné de Charles qui lui aussi était mousquetaire. Ce nom vient de leur mère, une de Montesquiou d’Artagnan, famille noble de Gascogne. Entré chez les cadets des gardes françaises, en 1640, d’Artagnan ne rejoint les mousquetaires que quatre ans plus tard, deux ans donc avant leur dissolution en 1646. Cousin du comte de Tréville, comme les Béarnais, il les croise probablement, sans que rien ne prouve qu'ils se connaissent. Fidèle au cardinal Mazarin il sera son homme de confiance. Durant la fronde (1648-1653), Mazarin est exilé à Brülh en Allemagne. Il s’appuiera sur d’Artagnan pour des missions délicates comme l’attestent de nombreux documents, qui supposent des transports de fonds et objets précieux. Avec le retour de Mazarin en France en tant que 1er ministre de Louis XIV, il devient capitaine de la compagnie des "grands mousquetaires". Il accompagne le roi Louis XIV à Saint-Jean-de-Luz, en 1660, quand le souverain part épouser l'infante Marie-Thérèse. En 1661 Il arrête Fouquet à Nantes pour l’incarcérer à Pignerol, à l’époque forteresse française. Devenu gouverneur de Lille il participe avec ses mousquetaires à la campagne contre les provinces unies de Hollande. Soldat de confiance, couvert de charges et d'honneurs, Messire Charles de Castelmore, comte d'Artagnan Charles de Castelmore, est tué par une balle de mousquet à Maastricht le 25 juin 1673.

Pour d’Artagnan des historiens de renom se sont penchés sur le personnage et ont écrit des ouvrages. Mais pour le capitaine des mousquetaires à cheval de la garde du roi Louis XIII, le Comte de Tréville ce n’est pas la même chose !

TREVILLE

Dumas appelle son personnage TREVILLE. En béarnais, TROIS se dit TRES. Dans le roman Tréville est un homme très important, proche du roi dont il assure la garde rapprochée, qui doit intervenir sans cesse pour réprimer ses hommes, turbulents, qui se bagarraient souvent avec ceux de la garde du cardinal.

Dans la réalité Tréville se nomme Jean-Arnaud de Peyrer, devenu comte de Tréville. Il est né à Oloron en Béarn en 1598 d’une famille protestante.

En Béarn comme en Soule, le patronyme qui est transmis est celui du foyer, de la maison. Son père qui est un entrepreneur important de construction de maison en pierre, d’où le nom de Peyrer en béarnais, achète une maison noble en Soule en 1607 à Troisvilles. Sa mère Marie d’Aramits, protestante, née juste à côté de Troisvilles, est la fille du compagnon d’armes du roi Henri IV. Elle élèvera ses 3 enfants dans la religion catholique. De langue maternelle béarnaise il prononçait le chiffre 3, « trés », il n’est donc pas étonnant qu’il se soit fait appeler Tréville.

Le parcours militaire de Tréville dépasse en réalité, la fiction du roman. On le retrouve en 1616 dans la compagnie des gardes françaises, la garde du roi. Il accède en 1625 à la troupe d’élite des mousquetaires. Il est blessé au siège de La Rochelle en 1627. Il se fait remarquer par sa bravoure au «Pas de Suse » comme au siège de Privas en 1629. Dès lors Louis XIII lui confie la lieutenance de la compagnie des mousquetaires de la garde du roi. En 1939, le roi l’envoie au siège de Hesdin. Bien d’autres batailles suivront …

Premier ministre de Louis XIII de 1624 à 1642, Richelieu reconnaît en Tréville des qualités exceptionnelles de soldat mais jaloux il lui voue une haine féroce en tant que personne. La conspiration de Cinq-Mars lui donne l’occasion de contraindre Louis XIII à congédier Tréville de sa fonction de capitaine des mousquetaires le 1er décembre 1642 en tant que conspirateur. Congé de courte durée puisque Richelieu décède le 4 décembre 1642. Le roi restaure Tréville dans ses fonctions aussitôt.

Le rang et la fortune qu’il a, l’autorisent à avoir un niveau de vie digne des grands seigneurs de son époque comme en témoigne ce portrait en pied de 2,30 m sur 1,40 m peint par Antoine Le Nain. Par son mariage avec Anne de Guillon des Essarts, le 23 février 1637, il reçoit une dot de 90 000 livres, qui lui permet d'acquérir la baronnie de Montory (Pays basque). Après avoir vécu un temps à Paris avec sa famille dans l’hôtel particulier Tournon, Il se fait construire un château sur plans Mansart dont la construction débute en 1663 et s’achève en 1672, veille de sa mort à l’âge de74 ans.

ATHOS

Dans le roman de Dumas, ATHOS est un seigneur silencieux. Ses paroles sont brèves et expressives, sans broderie. Il est d’une grande beauté de corps et d’esprit.

En réalité, son vrai nom est Armand de Sillègue d'Athos d'Autevielle. Athos est son nom seigneurial, nom d’un village à côté de Sauveterre-de-Béarn, Athos-Apis ; de même qu’Autevielle, autre village à proximité, qui fait face au premier de l’autre côté du gave d’Oloron.

Sa mère est une Peyrer donc il est parent avec le comte de Tréville. On n’a pas grand-chose sur lui-même et sur ses faits d’armes. Il meurt au court d’un duel en 1645. Le mystère reste entier …

PORTHOS

« Personnage truculent, parlant haut qui se met en avant, plein de gouille gasconne,… ! » écrit Dumas à propos de PORTHOS ..

En réalité Son vrai nom est Isaac de Pourtau. Il figure sur les registres protestants de Pau où il est baptisé le 5 février 1617. Ce dont on est certain c’est que la famille de Portau, protestante, est originaire d’Audaux, près de Navarrenx. Elle détient la seigneurie d’Ogenne-Camptort et une seigneurie à Castetbon. Le nom de Portau ou Pourtau signifierai « celui qui possède les clefs de la porte». De nombreux documents parlent d’un Isaac de Portau mais son père porte le même nom ce qui fait qu’on ne sait s’il s’agit du père ou du fils !? Son père est avocat au parlement de Navarre, conseiller du roi, contrôleur provincial des guerres et artilleries du Béarn ainsi que notaire général du Béarn.

Nous ne savons pas non plus grand-chose sur son parcours militaire. Il est signalé en 1642 dans la compagnie des gardes française. Le 9 septembre 1643 IL est au siège de Perpignan où il revêt la casaque des mousquetaires. En 1646 il revient à Navarrenx où il occupe le poste de « garde des munitions », responsabilité importante car c’était toute l’ingénierie militaire de cette seule place forte de la principauté de Béarn. Il est mort au manoir de l’abbaye de Lanne qui appartenait à son neveu. On ne lui connaît pas de descendant.

ARAMITS, nom de ce chef-lieu, doit bien sa célébrité au talent d’Alexandre Dumas qui l’a fait connaître au monde entier à travers ses écrits.

Henri d’Aramits mousquetaire a bel et bien existé. C’est un descendant d’une famille de vieille noblesse béarnaise, des hobereaux, gentilhomme campagnards sans fortune. Ils étaient aussi parents avec les Tréville. La réalité historique évoque deux mousquetaires d’Aramits (ou Aramis), le père Charles et le fils Henri. Henri est né vers 1620. Il est catholique. Il épouse Jeanne de Bonasse d’Arette, également catholique. Le couple est inhumé dans le sol de l’ancienne église d’Aramits en 1657.

En 1646 Mazarin dissout la compagnie des mousquetaires du roi …

Compte-rendu par Odile SIEPER


Quelques photos ici.